DIEU

De Lamartine

Il est ; tout est en lui ; l'immensité, les temps,

De son ètre infini sont les purs éléments.

L'espace est son séjour, l'éternité son âge ;

Le jour est son regard, le monde est son image :

Tout l'univers subsiste à l'ombre de sa main :

L'être, à flots éternels découlant de son sein,

Comme un fleuve nourri par cette source immense,

S'en échappe, et revient finir ou tout commence.

Sans bornes comme lui, ses ouvrages parfaits

Bénissent en naissant la main qui les a faits.

Il peuple l'infini chaque fois qu'il respire ;

Pour lui, vouloir, c'est faire ; exciter, c'est produire.

Tirant tout de lui seul, rapportant tout à soi,

Sa volonté suprême est la suprême loi ...

Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse,

Sans s'épuiser jamais, il peut donner sans cesse ,

Et comblant le néant de ses dons précieux,

Des derniers rangs de l'être il peut tirer ses dieux.

Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,

Mesurent d'eux à lui l'éternelle distance,

Tendent par leur nature à l'être qui les fit ;

Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit.

Voila, voila le Dieu que tout esprit adore,

Qu'Abraham a servi, que rêvait Pythagore,

Que Socrate annoncait, qu'entrevoyait Platon ;

Ce Dieu que l'univers révèle à la raison ;

Que la justice attend, que l'infortune espère,

Et que le Christ enfin vint montrer sur la terre ...

Il est seul, il es un, il est juste, il est bon ;

La terre voit son oeuvre, et le ciel sait son nom !