LE PRETRE

M. A. DEVOILLE.

Ami, mais dites-moi, que vous a fait cet homme

Dont le vêtement noir vous rend si furieux ?

Pourquoi, s'il vous salue avec grâce et vous nomme,

Sans lui dire bonjour détournez-vous les yeux ?

 

--- Ce prêtre ? je le hais, et voila tout ; ma haine

N'a rien de personnel, c'est pur amour du bien;

Cette engeance à mes yeux souille la race humaine ;

Je mèprise sa foi ; son Dieu n'ai pas le mien.

 

--- Il fait du bien poutrtant, peut être plus qu'un autre ;

Car s'il est pauvre d'or, si sa vie est sans fleurs,

C'est qu'en ce monde avide, ou Dieu le fit apôtre,

Il a pris pour sa part le pauvre et les douleurs.

 

---Il prêche l'esclavage aux frais du despotisme.

--- A qui donc, s'il vous plait ? Il ne parle qu'a nous,

Et c'est de Dieu qu'il prêche... -- Et dans son fanatisme

Il proscrit le savoir pour mieux régner sur vous

 

---Il garda seul longtemps le dépôt des sciences,

Il enseigne la vie au petit comme au grand,

Il porte la lumière au fond des consciences,

Et pour le vice seul il est intolérant.

 

---Il fait un Dieu gorgé de fiel et de vengeance,

Sur les faibles humains toujours prêt à tonner...

--- Et juste ; il dit que Dieu, toujours plein d'indudence,

Pour un aveu sincère est prêt à pardonner.

 

--- Il méconnait les lois de son pays... --Sottise !

Il répète souvent : Tout pouvoir vient de Dieu ;

Obéissez au roi, même s'il tyrannise ;

Le maitre remettra chaque chose en son lieu.

 

--- Il porte la discorde au sein de nos familles...

--- Et chaque jour il dit : Enfants, soyez soumis ;

Pères soignez vos fils ; Mères, gardez vos filles ;

Chrétiens, du fond du coeur aimez vos ennemis.

 

--- Il proscrit le plaisir et parque la jeunesse

--- Il dit : Voyez les maux que vos voluptés font ;

L'homme est faible, fuyez l'occasion traîtresse :

Le miel est sur le bord, la lie amére au fond.

 

--- Mais je le hais, vous dis-je, et de haine profonde...

--- Je comprends : sa présence est pour vous un remords.

Passez, ingrat, passez ; peut-être, au bout du monde,

N'aurez-vous que lui seul à votre lit de mort.