DIEU EST TOUJOURS LUI.

V. HUGO.

Quand l^été vient, le pauvre adore !

L'été, c^est la saison de feu,

C'est l'air tiède, la fraiche aurore ;

L'été, c'est le regard de Dieu.

 

L'été, la nuit bleue et profonde

S^'accouple au jour limpide et clair ;

Le soir est d'or, la plaine est blonde,

On entend des chansons dans l'air.

 

L'été, la nature éveillée

Partout se répand en tous sens :

Sur l'arbre une épaisse feuillée,

Sur l'homme en bienfaits caressants.

 

Pour tous, et pour le méchant même,

Elle est bonne ; Dieu le permet,

Dieu le veut ; mais surtout elle aime

Le pauvre que Jésus aimait.

 

A-t-il faim ? au fruit de la branche

Elle dit : Tombe, ò fruit vermeil !

A-t-il soif ? Que l'onde s'épanche !

A-t-il froid ? Lève-toi, soleil !

 

Mais, hélas ! juillet fait sa gerbe ,

L'été, lentement éffacé,

Tombe feuille à feuille dans l'herbe,

Et jour à jour dans le passé.

 

Puis d'octobre perd sa dorure,

Et les bois dans les lointains bleus

Couvrent de leur rousse fourrure

L'épaule des coteaux frileux.

 

Le pauvre, alors, s'éffraye et prie,

L'hiver, hélas ! c'est Dieu qui dort ;

C'est la faim livide et maigrie,

Qui tremble auprès du foyer mort.

 

Il pleure ; la nature est morte !

O rude hiver ! ô dure loi !

Soudain un ange ouvre sa porte,

Et dit en souriant : c'est moi !

 

Cet ange qui donne est qui tremble,

C'est l'aumône aux yeux de douceur,

Au front crédule, et qui ressemble

A la Foi, dont elle est la soeur.

 

Elle va dans chaque masure,

Laissant au pauvre réjoui

Le vin, le pain frais, l'huile pure,

Et le courage épanoui !

 

Ah ! que l'été brille ou s'éteigne,

Pauvre, ne désespérez pas :

Le Dieu qui souffrit et qui règne

A mis ses pieds où sont vos pas.

 

Lorsqu'il est temps que l'été mesure

Sous l'hiver sombre et solennel,

Même au travers son ciel qui pleure,

On voit son sourire éternel.

 

Et dans ses bontés paternelles,

Il penche sur l'humanité

Ces mères aux triples mamelles :

La Nature et la Charité.