L'OISEAU PRISONNIER.

AL. DUMAS fils.

Enfant, vous avez pris un oiseau dans un champ,

Et vous voila joyeux, et vous criez victoire !

Et le pauvre petit, dans une cage noire,

Se plaint, et vous prenez sa plainte pour un chant.

 

Depuis longtemps déjà votre désir l'assiège ;

En écoutant sa voix qui trahissait son vol,

Vous vous couchiez, tremblant, tout au long, sur le sol,

Pour qu'il ne vous vit pas et qu'il se prit au piège.

 

Il va vous amusez ainsi jusqu'à demain,

Et pour ce court plaisir vous lui coupez les ailes,

Tout en l'emprisonnant entre ses barreaux grèles,

Pour qu'il ne vole pas plus haut que votre main.

 

Et vous le regardez ainsi depuis une heure,

Meurtrir son petit bec dans son étroit cachot,

Courir au quatre coins, voler de bas en haut,

Avec le cri plaintif de toute âme qui pleure.

 

Et pourtant vous semez sa cage de muguets

Et de toutes les fleurs ses anciènnes compagnes ;

Mais cela ne vaut pas l'air des vastes campagnes

Et les chansons du soir dans le fond des bosquets.

 

Vous ne saviez donc pas, enfant, quel saint mystère

En becquetant partout remplit l'oiseau pieux ?

Les petits sont dans l'arbre au fond d'un nid joyeux ;

Pour vous, c'est un oiseau ; mais pour eux c'est un père ;

 

C'est un père aussi bon que votre père, enfant,

Instruisant ses petits à voler dans l'espace,

A louer le Sèigneur pour chaque jour qui passe,

Et leur donnant toujours ses conseis et ses chants.

 

Il descend le matin du nid de mousse frêle

Pour prendre un peu de blé qu'il reporte la-haut,

Pour les faire grandir, puis afin que bientôt

Leur crie devienne un chant et leur duvet uns aile.

 

Le plus petit oiseau, le Seigneur le bènit !

Il lui donne du blé que le moissonneur jette ;

Et comme il pense à tous, le Dieu bon, il èmiette

Un peu de son amour dans le plus humble nid.

 

Or, quand votre captif, qui crie et vous èvite,

S'arrête en écoutant, c'est qu'il entend la voix

Des petits qu'il laissa dire au fond des bois :

Nous allons tous mourir si tu ne reviens vite.

 

Car ne recevant pas ce qu'il doit lui porter,

La mère reste au nid, inquiète et fidèle ;

Et malgré son amour à l'abri de son aile,

Tous ses petits mourront sans avoir pu chanter !

 

Ecoutez donc l'oiseau, respirez donc la rose,

Sans les prendre à la plaine, à l'air pur, au ciel bleu ;

Car toujours notre main à ce que créa Dieu,

Même en le caressant, enlève quelque chose.